C’était en novembre dernier, alors que la saison hivernale se profilait. Peut-être avez-vous eu la chance d’échapper à cette information.

Nous étions encore en plein été indien, les ours noirs du parc animalier de Thoiry commençaient à creuser de grands et profonds terriers. Ils les tapissaient d’un matelas de feuilles pour y passer confortablement l’hiver, bien à l’abri. Tout cela se passait beaucoup plus tôt que d’habitude. Cette opération demandant beaucoup d’énergie, les ours ne l’entreprennent pas avec la même ardeur chaque année. Les soigneurs du parc assuraient que la profondeur des trous laissait présager d’un hiver rude voire polaire. Paul de la Panouse, le fondateur du parc déclarait : « Je laisse les météorologistes humains faire leurs prévisions, mais mes nounours m’ont annoncé une vague de froid ».

De nombreux médias avaient relayé cette information. Je me fais ici un malin plaisir à les citer, en ayant une petite pensée pour ces journalistes qui avaient vendu la peau de l’ours avant que l’hiver ne soit arrivé : BFMTV, 20 minutes, Ouest France, France 3, Mediapart, Le Parisien, etc…

A l’époque j’avais été émerveillé par cette nature prodigieuse qui a tant de choses à apprendre à celui qui sait prendre le temps de l’observer. Je m’étais souvenu de mon grand-père qui m’expliquait que lorsqu’à l’automne les oignons ont plusieurs peaux épaisses, cela indique que l’hiver sera froid. Je m’étais fait le porte-parole des ours en relayant largement cette nouvelle autour de moi. Auprès de mes enfants, mes amis ou mes collègues.

Mais maintenant que nous sommes au printemps, le constat est rude. Beaucoup plus rude que l’hiver qui a été le plus chaud enregistré depuis que les mesures existent. Merci les ours !
A présent qui est-ce qui passe pour un guignol de la météo ? Ce n’est pas l’ours noir de Thoiry, c’est bibi. Mes filles ne se sont pas gênées pour me rappeler mes prévisions foireuses.

Et dire qu’en bon père de famille, j’avais fait rentrer un stère de bois supplémentaire pour faire face aux rudesses du climat. Heureusement que je ne me suis pas mis à stocker des conserves au cas où la neige nous aurait empêché de sortir ):
Je serais bien allé leur dire deux mots à ces imbéciles de plantigrades. Mais vu qu’ils font près de 300 kg et qu’ils ne parlent pas français, je me suis abstenu.

Qu’est-ce qui a bien pu se passer dans la tête des ours pour nous désinformer de la sorte ?
En tant que non spécialiste de ces bestioles, voici les hypothèses que j’ai pu échafauder :

  • Ils picolent en douce de l’hydromel fabriqué à partir du miel que leur glissent de jeunes visiteurs ayant trop regardé Winnie l’ourson. Ils avaient donc juste besoin de se remettre d’une soirée un peu plus arrosée que les autres.
    Mais cela reste peu probable car pour se pochetronner avec de l’hydromel à 13° quand on pèse 300 kg, il faut en boire des tonneaux. Ce dont ne disposent pas les ours.
  • Les ours ne s’y connaissent pas plus en météo qu’en mécanique ou en patinage artistique.
    Cet argument est réfuté par le fait que durant l’hiver 2010-2011, ils avaient senti arriver la vague de froid qui avait touché la France durant trois semaines.
  • L’application météo de leur iPhone ne fonctionnait plus.
    C’est un peu plus difficile à croire car la marque à la pomme est réputée assez fiable.
  • C’est un canular. Les ursidés sous leur côté un peu ours, sont de grands blagueurs.
    Possible, mais nous n’étions pas le premier avril.
  • C’était un mouvement de grève suivi par un tiers des effectifs. Cela pourrait coller car c’est environ le taux de syndicalisation chez les ours.
    Qu’auraient-ils bien pu revendiquer, leurs conditions de vie à Thoiry sont très bonnes.

Alors pourquoi avoir berné tout le monde en hibernant si tôt ?

Pour ma part, j’étais fermement décidé à ne plus faire confiance qu’à mon iPhone pour connaitre la météo. Fini de me fier à des ours mal léchés pour prédire le temps qu’il va faire. Plus la peine de me parler du vol des hirondelles ou d’autre chose du genre. C’est alors que je me suis souvenu que l’un des ours de Thoiry se nomme Cochise. Cela m’a fait penser à cette blague du trappeur canadien qui vient régulièrement demander à un vieil indien si l’hiver sera rude. A chaque fois, celui-ci lui dit que oui et le trappeur s’en va couper un peu plus de bois en prévision de l’hiver. Quand après avoir abattu des dizaines d’arbres pour se chauffer, le trappeur demande au vieil indien comment il sait que l’hiver sera rude, celui-ci lui cite un proverbe local : « Si homme blanc coupe du bois, hiver très froid ».

Mais bon sang, mais c’est bien sûr. La victime dans cette affaire, c’est l’ours ! L’ours farceur serait en réalité un ours farcé. Comme il entendait les hommes parler d’un hiver rigoureux en le voyant creuser, il creusait de plus en plus profond !

Dites-moi ce que vous en pensez, mais je pense avoir résolu une énigme scientifique grâce à une vieille blague Carambar 😉

Attention, ours farceur

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